XIXe -XXIe siècles
Sur le conseil de ses médecins, Rodolphe Töpffer quitte précipitamment Genève le 25 juin 1843 pour se rendre seul à Lavey, dans le canton de Vaud, afin de suivre une cure destinée à améliorer l’état de ses yeux ! Il s’y trouve avec nombre de Genevois de la bonne société, de Suisses et d’étrangers, ce qui lui donne l’occasion, dans ses lettres journalières adressées à sa femme, d’émettre des opinions humoristiques sur ses compagnons de cure. Töpffer organise pour eux une promenade dans les environs, qu’il narrera dans les Souvenirs de Lavey, vendus au profit des pauvres du village.
Par ailleurs, Töpffer et son cousin Jacques-Julien Dubochet, l’éditeur parisien, échangent une série importante de lettres relatives à la parution, fin 1843, des fameux Voyages en zigzag, puis à l’édition des Nouvelles genevoises illustrées et à celle du Presbytère.
Malheureusement, la santé de Rodolphe se dégrade assez rapidement, et ses médecins lui recommandent une nouvelle cure, cette fois à Vichy, ce qui entraîne en été 1844 une seconde série de lettres à sa femme, demeurée à Genève avec ses enfants. Le présent volume en reproduit la première partie.
Durant l’entre-deux guerres, dans l’aire francophone, se met en place un roman parlant, véritable pendant littéraire du cinéma parlant. Cette innovation trop peu remarquée jusqu’ici, engage une voie capitale du roman au XXe siècle : le récit s’y fait passer pour un bouche-à-oreille immédiat et parvient à occulter la médiation de l’écrit, donc de la forme.
Par le biais des nouvelles poétiques de l’oral, les romanciers, de Louis-Ferdinand Céline à Louis Aragon, de Jean Giono à Raymond Queneau, Blaise Cendrars, C.F. Ramuz ou Henry Poulaille, tiennent sur la langue littéraire un discours critique, contre l’étroitesse normative de la grammaire traditionnelle.
Le récit oralisé va ainsi susciter, durant deux décennies, de vifs débats entre écrivains et critiques, mais aussi entre grammairiens (Thérive, Hermant), linguistes (Bally, Vendryès, Frei) et pédagogues (Freinet).
Dans cette enquête où poétique et sociologie interviennent de concert, défiant les cloisons ordinaires des disciplines, le roman parlant apparaît comme un formidable révélateur du lien entre les enjeux esthétiques et les positions littéraires, par-delà sociales et politiques, des écrivains.
Table des matières
Remerciements
Préface
Introduction
La Savoie, combien de territoires ?
Une historiographie en chantier
Des structures et des flux
Yves Kinossian
Frontières à l’intérieur, frontières à l’extérieur. Les portes lémanique et alpine (1848-2013)
1. Circulation, territoire, population et production (1850-2013)
2. Les zones franches
Conclusion
Hubert Bonin
Les banques savoyardes enracinées dans l’économie régionale (des années 1860 aux années 1980)
1. Le legs d’une histoire bancaire non française
2. La fragilité originelle de l’économie savoyarde dans les années 1860-1890
3. L es banquiers et l’émergence d’une économie savoyarde moderne (1890-1940)
4. Bourgeoisies entrepreneuriales et banquiers savoyards: vers un circuit court de l’investissement (1900-1940)?
5. La cristallisation et la résistance du modèle bancaire savoyard dans l’Entre-deux-guerres
6. La bataille pour préserver une autonomie bancaire savoyarde (des années 1940 aux années 1960)
7. La ténacité d’un archipel de banques familiales de taille moyenne
8. Des banques coopératives conquérantes
9. La Banque de France marraine d’un système bancaire élargi
10. La Savoie bancaire de plus en plus dépendante de groupes parisiens (depuis les années 1980)
Conclusion : Plusieurs modèles de banques savoyardes
Michel Boulet
De la Savoie paysanne à la « Ferme Savoie » ?
1. L’agriculture dans la première moitié du XIXe siècle
2. L’agriculture s’insère dans l’économie de marché (1860-1920)
3. Le temps des crises (1920-1950)
4. La Cinquième République. L’État réformateur
5. La « ferme Savoie » aujourd’hui
6. Enjeux d’avenir
Pierre Judet
La « Savoie industrielle ». Des territoires industriels en mouvements
1. Nébuleuses industrielles et usines au l de l’eau. L’industrie savoyarde avant l’électricité
2. Electricité et consommation. La grande époque de l’industrie contemporaine en Savoie
3. L’industrie entre le local et le global
Conclusion
Régis Boulat
Les fabricants de matériels de sports d’hiver (fin XIXe-début XXIe siècle)
1. Des savoir-faire traditionnels valorisés par la naissance des sports d’hiver (années 1900-années 1950)
2. L’émergence de deux ensemble concurrents, Rossignol et Salomon (années 1960-années 1980)
3. Un secteur hautement concurrentiel déconnecté de son territoire (années 1990-2000)
Hervé Joly
Qui sont les patrons de l’industrie savoyarde ? (années 1860-2000)
1. Les responsables des organisations patronales locales
2. Les dirigeants d’entreprises industrielles savoyardes
Denis Varaschin
L’énergie ou comment faire système avec son territoire
1. Des temps pré-électriques dominés par l’hydraulique
2. La Savoie, terre délection pour l’électricité
3. Vers un mix productif plus épanoui
Conclusion
Mino Faïta
Le bâtiment et les travaux publics en Savoie, un binôme aux mains de l’Etat
1. Entre continuités et ruptures (1860-1880)
2. 1880-1939: quelles mutatns?
3. De 1945 à nos jours: le grand tournant?
4. L’évolution récente du BTP savoyard
Conclusion
Julien Coppier
Le tourisme en Savoie, construction d’une économie dans le temps long
1. Le temps des prémices et des précurseurs (XVIIIe-1860)
2. Une période de grande attraction (1860-1900)
3. Le tourisme, une ressource économique qui se confirme (1900-1950)
4. Un tourisme de masse: constat, organisation et chiffres (1950-2013)
Yves Bouvier
Transports et communications: circuler en Savoie et organiser le territoire
1. Du tunnel du Mont-Cenis au tunnel de base du Lyon-Turin : la Savoie au carrefour des innovations ferroviaires
2. De l’automobilisme aux grandes infrastructures autoroutières
3. Sur rail, sur pneu et dans les airs, petit panorama des autres modes de transport
4. Communiquer sans se déplacer: les réseaux de télécommunications en Savoie
Serge Tomamichel
Les prémices de l’enseignement professionnel en Savoie (1860-1939)
1. L’enseignement professionnel en Savoie en 1860
2. De l’Annexion à la Grande Guerre: le choix de la voie scolaire
3. L’Entre-deux-guerres: premières écoles techniques et timide décollage de l’apprentissage
4. L a cristallisation d’un véritable enseignement professionnel structuré depuis les années 1950
Conclusion
Hubert Bonin
Conclusion générale : en quête des diverses facettes de l’identité savoyarde
1. Une osmose partenariale internationale
2. Entre liberté et contrôle des flux : vers le réalisme de l’intégration transfrontalière
3. Une identité agricole savoyarde ?
4. En quête d’une identité industrielle savoyarde
5. La geste énergéticienne
6. Des loisirs bourgeois aux loisirs de masse ?
7. En quête du capitalisme savoyard
8. En quête d’une identité coopérative savoyarde
9. En quête du secteur public
10. En quête de matière grise savoyarde
Liste des auteurs
Index
Fruit du travail des meilleurs spécialistes du sujet, ce livre brosse le tableau de pays de Savoie qui font aujourd’hui figure d’exception par leur dynamisme économique – notamment industriel, bancaire et tertiaire – associé à une image d’une région où il fait bon vivre et séjourner.
Depuis le rattachement à la France en 1860, que de chemin parcouru par deux départements, la Savoie et la Haute-Savoie, qui durent affronter le choc consécutif à l’Annexion, puis la Grande Dépression, trois guerres et deux profondes crises économiques! Et quelle ascension pour des territoires fragmentés, sans cesse à s’affirmer entre pôles lyonnais et grenoblois, genevois et turinois.
Conjuguant l’individualisme des patrons et les prégnantes sociabilités, l’esprit d’entreprendre a renversé les montagnes. Le fonds culturel apparaît ici fondé sur les échanges avec l’extérieur, le multiculturalisme voire le cosmopolitisme des populations venues notamment de Suisse et d’Italie. Cette société, à la fois enracinée et en mouvement, a su faire converger et assembler les dynamiques du tropisme helvétique (axe Annecy-Genève) et des liens historiques avec le Piémont (axe Lyon-Turin via Chambéry). Une société et une culture spécifiques ont façonné un territoire de l'innovation rythmé par des temporalités et stimulé par des trajectoires économiques marquées par une tension permanente entre « savoyardisation », toujours bien vivante, et « désavoyardisation », portée par l’intégration nationale et l’ouverture internationale.
TABLE DES MATIÈRES
Remerciements
Présentation du volume III, par Lise Dumasy-Queffélec
Présentation des auteurs du volume III
Sommaire du volume III
PREMIÈRE PARTIE: LES MODÈLES DU SAVOIR. POSITIVISME, DARWINISME: PUISSANCES ET CONTESTATIONS
Annie Petit,
Médecine et positivisme : une troublante fascination
Regina Pozzi,
Sciences de la vie et sciences de l’homme : le projet scientifique de Taine
Nicolas Gallois,
Darwinisme et économistes français : un amour déraisonné ?
Sandrine Schiano-Bennis,
L’incidence idéologique et épistémologique de la pensée de Darwin au sein du discours littéraire à la fin du xixe siècle :
triomphes et contestations
Marc Guillaumie,
Fiction préhistorique et darwinisme : amour impossible ou mariage blanc ?
Claire Le Guillou,
La Fille du singe ou Maurice Sand aux prises avec le roman évolutionniste
Stéphanie Dord-Crouslé,
Bouvard, Pécuchet et la « vache désespérée » : le magnétisme entre savoir et farce
DEUXIÈME PARTIE: FIGURATIONS LITTÉRAIRES DU MÉDECIN ET DE LA MÉDECINE
Stéphane Arthur,
La science du drame romantique : médecin et alchimiste dans les drames de l’époque romantique représentant
le seizième siècle
Nicolas Gauthier,
Le médecin dans les « mystères urbains » (1840-1860)
Elise Radix,
Du médecin au savant chez Zola : genèse des personnages prométhéens
Agnès Sandras,
Les médecins romanciers (1880-1900)
Charles Grivel,
Georges Barral (avec Dubut de Laforest) : le Faust du naturalisme
Marie-Odile Salati,
« Les carabins ont perdu l’esprit » dans la nouvelle Herbert West, Réanimateur de H. P. Lovecraft (1922)
Anne-Lise Perotto,
Modelages : les figures du médecin et de l’auteur dans L’Ile du docteur Moreau de Herbert George Wells
Gayaneh Armaganian-Le Vu,
Les médecins-écrivains dans la littérature russe : une Historia morbi ou une histoire de vie ?
Frédérique Leblanc,
Le médecin de famille dans les classes populaires : renforcement de son efficacité et maintien de la distance
sociale
Vincent Bruyère,
Ouvrir le corps : naissance d’un regard
Joël July,
Vacation littéraire du médecin Bruno Sachs, chez Martin Winckler : réflexions sur les digressions dans le premier roman de la trilogie de Martin Winckler La Vacation (1989)
Gérard Danou,
Soigner « au coeur des ténèbres », une lecture du roman de Damon Galgut : Un docteur irréprochable
TROISIÈME PARTIE: PARCOURS BIOGRAPHIQUES EXEMPLAIRES
André Bolzinger,
Le citoyen Percy et le modèle médical issu de 1789
Lucia Ofrim,
Le Docteur Francisc Rainer à la recherche de la forme vivante
Muriel Salle,
L’étrange cas du docteur Lacassagne en sa bibliothèque
Annie Petit,
Emile Littré, médecin et historien
Index des noms de personnes cités
Index des titres d’oeuvres cités
Table générale des matières_
Troisième volume d’un ensemble de travaux publié sous le titre Médecine, Sciences de la vie et Littérature en France et en Europe, de la Révolution à nos jours, le présent livre entreprend d’interroger la double modalité –
euphorique et dysphorique – du rapport de l’imaginaire collectif à la science et au progrès, telle qu’elle s’est développée au sein des représentations collectives depuis le tournant des Lumières jusqu’à nos jours. Pour ce faire, il s’intéresse aux modèles du savoir issus des sciences de la vie et à leur diffraction dans le discours littéraire, ainsi qu’aux figures diverses du médecin dans leur rapport avec celles de l’écrivain ; enfin, une dernière partie intitulée «Parcours biographiques exemplaires» retrace, à travers la trajectoire de quatre figures représentatives, la diversité des rapports qu’entretiennent, durant toute la période considérée, littérature et médecine.
Dans la lignée de l'empirisme des Lumières, l'observation clinique devient au XIXe siècle la métaphore dominante, voire obsédante d'une herméneutique littéraire tournée vers l'exploration du social et de l'humain, et qui revendique l'autorité d'un savoir. Parallèlement et progressivement, la médecine est invitée à instaurer la norme et à poser les limites entre santé et maladie, raison et folie – norme et limites qu'elle peut également déplacer et contester. Le regard clinique, révélateur des pathologies sociales et individuelles, peut également conduire à la conception d'un ordre nouveau, où les pathologies seraient guéries. Toutefois la littérature met en question, aussi souvent au moins qu'elle l'asserte, la capacité du médecin ou de ses avatars métaphoriques à résoudre les problèmes de l'homme et de la société, et souligne parfois les dérives inquiétantes d'un pouvoir médical normatif.
Le présent recueil s'intéresse dans sa première partie au médecin comme figure de l'interprète dans un certain nombre de corpus littéraires (Balzac, le roman-feuilleton, le roman policier...). Dans sa deuxième partie, il explore la constitution d'une normalité par le biais de la médecine, et sa mise en question médicale et littéraire. Enfin la troisième partie montre comment se développe, après 1850 surtout, dans les représentations littéraires, une conscience grandissante des limites du pouvoir médical, voire une mise en question de sa légitimité, dans le cadre, toutefois, d'une fascination inentamée.
Alors que le champ éditorial français accueille, depuis le début du XXIe siècle, des fictions longues, marquées par l’héritage distancé de romans qui dialoguent avec l’Histoire, le point de vue macrogénétique développé ici s’attache à linvention par Balzac d’une forme neuve, l’Œuvre-monde, qui constitue un modèle d’écriture productif pour ses successeurs. Il s’agit de faire référence et concurrence au réel, au moyen de rapports nouveaux entretenus avec lui.
L’étude’attache aux modèles d’écriture disponibles au temps de Balzac, hérités du XVIIIe siècle et développés par le monde éditorial du premier XIXe siècle: modèles historiques, scientifiques, historio - graphiques que le travail balzacien s’approprie et reconfigure. Plusieurs modèles d’organisation des oeuvres longues sont ainsi mis en évidence, grâce à l’examen des étapes qui conduisent à La Comédie humaine telle qu’elle commence à paraître en 1842: un modèle sériel historique présent dans l’Histoire de France pittoresque, un modèle panoptique qui préside au projet d’Etudes sociales. A terme, la singulière forme-sens balzacienne peut être saisie comme un texte fondé sur une porosité généralisée, qui permet de «penser par cas». La logique qui traverse les séries d’Etudes, en voie de fusion dans l’oeuvre longue, relève d’un principe d’abolition des schèmes verticaux, des pyramides de tous ordres.
Le tissage du texte de La Comédie humaine, considéré dans son entier, fait apparaître une poétique neuve, où il s’agit bien de «faire vrai» et non de construire du vraisemblable. L’agencement singulier qui s’invente ainsi, à l’âge démocratique, est lié au caprice du vivant: à la contingence et à ses aléas.e et à ses aléas.